José Bové et les "révolutionnaires" de Washington
Excellent article de Courrier International qui aide à mieux comprendre pourquoi José a été embastillé et la pression américaine sur la France et l'Europe...
José Bové et les "révolutionnaires" de Washington
par Philippe Thureau-Dangin
L'Elysée et le ministère de l'Intérieur avaient bien planifié les choses. En arrêtant José Bové au petit jour, le dimanche 22 juin (lendemain d'une Fête de la musique très festive), on montrait ainsi sa fermeté face à un syndicalisme honni. (L'ancien porte-parole de la Confédération paysanne a été condamné à dix mois de prison, notamment pour avoir arraché des plants de maïs transgénique.) Et, le 14 juillet, on affichera sa grande mansuétude en le graciant...
Mais ce beau scénario fait fi de l'actualité internationale. L'arrestation de Bové prend un tout autre sens quand on sait à quoi tient l'offensive actuelle des Etats-Unis au chapitre des OGM. Face aux pressions de Washington, l'Europe est toute prête à plier - et à lever le moratoire qui, de facto, limitait l'introduction de ces plants génétiquement modifiés à quelques champs expérimentaux. La rhétorique des Américains est particulièrement retorse. Vous, Européens, disent-ils en substance, avec votre moratoire, vous empêchez les industriels - et donc les agriculteurs du Nord et du Sud - de se mettre aux OGM. Ce faisant, vous aggravez la faim dans le monde puisque l'utilisation de semences transgéniques améliore la productivité.
En réalité, cet argument est du même ordre que celui ressassé à propos de la question irakienne. Dans les deux cas, Washington stigmatise le Vieux Continent comme une force conservatrice qui ne veut rien changer, hostile à la liberté (... des Irakiens) et au progrès (via les biotechnologies). Il se présente du même coup comme une force révolutionnaire qui n'hésite pas à faire bouger les choses, les régimes, etc. D'un côté, les forces de mouvement ; de l'autre, les "anti" (anti-OGM, antimondialistes, etc.). Redoutable dialectique. En fait, dans le cas de l'Irak comme dans celui des plants génétiquement modifiés, les Américains n'envisagent que le court terme (on abat le régime de Saddam Hussein ; on augmente la production de coton en Inde), négligeant le long terme. Connaît-on les effets à long terme de l'intervention américaine sur le monde arabo-musulman ? Connaît-on les risques que font courir à long terme les OGM en matière de santé publique et d'environnement ? Plus grave sans doute, le passage de l'Europe et du reste du monde aux cultures transgéniques signifiera la domination de quelques multinationales et d'un seul modèle, celui d'une agriculture intensive et monoculturale. Le voulons-nous vraiment ?
Sources Courrier International
Posté par Adriana Evangelizt