"Groupuscules, dissolvez-vous !"

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Présidentielle. Gérard Mauger, sociologue,

souhaitait un seul candidat antilibéral :


«Groupuscules, dissolvez-vous!»

Par Eric AESCHIMANN

Gérard Mauger, sociologue, est directeur de recherches au CNRS. Il fait partie des intellectuels qui ont appelé à une candidature unitaire de la gauche de la gauche.

 

Quatre candidatures antilibérales avec celle de José Bové. Comment expliquer un tel échec ? 
 
Y voir la conséquence de désaccords politiques majeurs serait, malheureusement, une vision optimiste et candide. Je crains que la clé de cette impuissance ne soit la concurrence acharnée qui met aux prises depuis des années les différentes composantes, politiques, syndicales, associatives, de la gauche antilibérale, en particulier par l'intermédiaire de leurs porte-parole respectifs. Le microcosme antilibéral ne fonctionne pas différemment du champ politique classique : les intérêts et les enjeux des représentants tendent à «s'autonomiser» et à prévaloir sur les intérêts et les enjeux de ceux qu'ils sont censés représenter. Comment comprendre autrement deux années de luttes fratricides au sein d'Attac ? La volonté de préserver la diversité des points de vue s'explique souvent par le désir des porte-parole de sauvegarder des appareils dont ils sont issus.
La gauche de la gauche prétendait contourner l'obstacle en jouant les réseaux et le consensus. 
Théoriquement, la forme «réseau» va coordonner les actions et les revendications, associer les individus et les groupes, sans sacrifier à la concentration bureaucratique. Il s'agit de préserver la diversité des points de vue et de conjurer le spectre du «centralisme démocratique». Mais rien, dans ce dispositif, ne garantit la cohérence de l'ensemble, ni même la volonté des porte-parole de chercher cette cohérence. Au contraire, il arrive souvent que ceux-ci doivent leur position au fait qu'ils aient su se démarquer dans leurs déclarations pour exister politiquement. La recherche du consensus peut ainsi conduire à l'immobilisme ou à la division permanente et, dans les deux cas, à l'impuissance. D'autre part, on voit mal comment une organisation qui, par définition, vise la durée, pourrait être assurée sans appareil ni «permanents», c'est-à-dire sans un minimum de concentration bureaucratique. Les «collectifs pour une candidature unitaire» ont refusé de prendre en compte cette difficulté, et on en voit le résultat aujourd'hui, au grand dam d'une base flouée.
La gauche de la gauche est-elle vouée à en revenir au centralisme démocratique ? 
On peut se demander si l'unification de sectes sans avenir (LCR, PCF, etc.) ne serait pas plus efficace que leur perpétuation coordonnée. Groupuscules de toutes les sensibilités, dissolvez-vous ! Quelle forme d'organisation pourrait en surgir ? La participation au jeu politique implique le principe de délégation : dans la mesure où les mandants font un chèque en blanc à leur mandataire, le risque de détournement, d'usurpation, est inscrit dans la délégation. Mais, en particulier pour les classes dominées qui n'ont d'autre choix que de se taire ou d' «être parlées», il faut, comme disait Bourdieu, «risquer l'aliénation politique pour échapper à l'aliénation politique». Le problème posé est alors celui de la représentativité et du contrôle des représentants ; mais il n'est pas nécessairement insoluble.


Sources Libération

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Présidentielle

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