Besancenot-Bové, les frères se nuisent
Besancenot-Bové, les frères se nuisent
Par Matthieu ECOIFFIER
Tous deux antilibéraux, ils pourraient être hors jeu avant le premier tour.
Surtout attendre avant de renvoyer le formulaire officiel de parrainage. Cette consigne confidentielle circule chez quelques dizaines d'élus antilibéraux qui ont envoyé une promesse de signature à José Bové. «Le mot d'ordre informel est de dire : on signe pour Bové. Mais de mettre de côté le formulaire tant qu'on n'est pas sûr qu'il aura les 500 signatures. Cela permet de garder la possibilité de signer in fine pour Besancenot s'il le faut», explique l'un d'eux.
Une façon de se prémunir contre un «scénario merdique : que Bové finisse à 350 signatures, Besancenot à 450, et qu'aucun des deux ne puisse se présenter. Et qu'il n'y ait que Buffet pour représenter la gauche antilibérale», explique un des soutiens du leader paysan. «Nous n'avons pas réussi l'unité antilibérale, mais il faut que cet espace politique fasse le meilleur score possible. Marie-George Buffet ne peut à elle seule capter l'ensemble de cet électorat», estime l'adjointe au maire de Paris (apparentée PCF) Clémentine Autain, qui a donné sa signature à Bové sans pour autant s'engager dans sa campagne. Buffet en candidate antilibérale unique à défaut d'être «unitaire» après l'OPA ratée du Parti communiste sur les Collectifs à l'automne ? La direction du PCF, qui a publié cette semaine dans l'Humanité la liste des 900 parrains de sa candidate, ne cache pas sa joie à l'évocation de cette perspective.
Alain Krivine, le leader historique de la LCR, n'écarte pas cette hypothèse «du pire». La Ligue a envoyé depuis vendredi des centaines de ses militants dans les mairies pour récolter de nouveaux parrainages et «s'assurer que les maires déjà convaincus remplissent sans rature leur sésame», explique-t-il. Cela suffira-t-il ? «La division actuelle de la gauche antilibérale, où personne ne perce, peut aboutir à ce qu'il n'y ait qu'Arlette et Buffet à la gauche de la gauche. On en est à 450 signatures pour Olivier, il peut y avoir des ajouts, mais aussi des retraits, raconte Krivine. Depuis l'été, nos militants ont vu 13 000 maires, 1 000 hésitent jusqu'à la dernière minute...» Dans l'équipe Bové, plusieurs chiffres circulent. Officiellement, le candidat déclare «330» signatures, façon de mobiliser ses militants et de ne pas décourager les maires. D'autres pointent un nombre inférieur, autour de «240 signatures». Dans le staff de Bové, il y a la version optimiste : «On a une chance sur deux d'y parvenir.» Et son pendant, définitif : «Trop tard, c'est plié, on ne les aura pas.»
Sur le terrain, les chasseurs de signatures pro-Bové et pro-Besancenot se tirent la bourre. Avec un candidat qui n'a démarré que le 1er février, soit le dernier à être entré en campagne, les troupes de Bové ont un gros retard à rattraper. «Cette concurrence pour arracher des parrainages se fait dans l'ignorance mutuelle», regrette Christian Picquet, chef de file de la minorité unitaire de la LCR, «cela va rajouter de l'irresponsabilité à l'échec que nous avons connu pour avoir une candidature de rassemblement antilibérale».
«Porte de sortie». Chez Bové, l'inquiétude monte aussi sur la volonté du leader altermondialiste d'aller jusqu'au bout. Ses meetings font salle comble, mais la dynamique ne déborde pas des cercles militants. Au coude à coude avec ses rivaux dans les sondages, cette candidature «alternative» reste une «candidature de plus». «Bové n'a pas envie de se présenter pour se prendre 2 %, un score ridicule vu sa notoriété internationale. Apparaître comme le martyr de la chasse aux signatures pourrait lui fournir une bonne porte de sortie», dit un militant de la LCR. Reste la question stratégique de sa date de sortie, si elle a lieu. Une réunion d'évaluation de la candidature Bové est prévue avec les Collectifs antilibéraux le 11 mars. Soit cinq jours avant la date limite de renvoi des formulaires. Trop tard pour se désister en faveur de son «ami Olivier» ?
Sources Liberation
Posté par Adriana Evangelizt