OGM, manipulation et désinformation 1ère partie
OGM, entre manipulation et désinformation
par David Carayol
1ère partie
Il a la double particularité de réunir un large consensus de la part des citoyens et de la société civile, 62% des européens sont inquiets à l’égard des OGMs[3], et de diviser avec tout autant de force les représentations citoyennes aux seins même de nos institutions.
C’est ainsi que nous avons pu assister depuis 1998 à :
• La mise en place d’un moratoire de 6 ans (levée en mai 2004) par la Commission européenne afin de retarder l’obligation des états membres, en vertu des accords de libre échange signés à l’OMC, d’utiliser des graines génétiquement modifiées. C’est ce même moratoire qui a entraîné la plainte devant l’OMC des trois pays ci-dessus,
• Le refus de 40 régions de 6 pays de l’Union européenne d’utiliser des OGMs, se déclarant ainsi libres d’OGMs (GMO free) s’opposant de fait à l’obligation de la Commission européenne,
• La Commission européenne a fait l’objet d’une plainte en 2003 des Etats-Unis, Canada et Argentine auprès de l’OMC (cf ci-dessus),
• Le 24 juin 2005 les Ministres de l’environnement réunis en Conseil européen autorisent les pays membres qui ont choisis de restreindre l’accès à certains OGMs[4],
• Le 5 octobre 2005 la région de la Haute Autriche a été condamnée par la Cour de Justice européenne pour avoir interdit la culture d’OGMs[5], après une plainte déposée conjointement par les gouvernements régional et fédéral autrichiens,
• Le 10 janvier 2006 la Commission européenne oblige la Grèce à autoriser la culture de 17 variétés d’OGMs autorisés au niveau européen[6],
• Enfin ce même pays, la Grèce, récidive en annonçant le 30 janvier qu’elle prolongeait de 18 mois l’interdiction des variétés de maïs concerné et qu’elle l’étendait à 14 variétés supplémentaires, soit 31 au total[7] !
Voilà toutes les questions que soulève ce débat sur les OGMs qui au delà de la question purement commerciale a le mérite d’illustrer un certain nombre de contradictions de notre société mercantile.
Nous verrons comment ce même débat remet directement en question quelques grands principes communs aux européens, qu’il s’agissent du principe de biens communs, de précaution, de subsidiarité, ou tout simplement du principe démocratique.
- les OGMs vont éradiquer la faim dans le monde,
- le rendement supérieur de ces plantes permettra de diminuer la pauvreté des paysans du tiers monde les cultivant,
-ou encore qu’ils contribueront à l’environnement en réduisant l’usage des pesticides en créant des plantes résistantes aux insectes et/ou tolérantes aux herbicides.
- Certains ont même parlé des OGMs comme la prochaine ‘révolution verte’…
Ainsi cette nouvelle technologie ‘révolutionnaire’ a été promue à coûts de milliards de dollars de budgets de relations publiques à travers le monde.
Le marché
Il faut dire que le jeu en vaut la chandelle puisque le marché mondial des semences (utilisées) est estimé en 2006 à 50 milliards de dollars[8]. Néanmoins ce marché a comme particularité de n’être pas un marché, au sens habituel du terme, puisque depuis toujours une partie des semences obtenues lors de la récolte sont réutilisées par les agriculteurs. De plus la grande majorité des agriculteurs utilisent des variétés de semences appropriés à leurs régions, sélectionnées au cours des siècles pour leurs qualités propres.
Les principales transnationales et plus actifs contributeurs de cette technologie que sont Monsanto, Bayer, Aventis Cropscience, Dupont, Cargill ou encore Syngenta ont donc investi depuis 15 ans ce marché potentiellement très lucratif. Ils ne sont pas tout seul puisqu’ aidés pour cela par les subventions allouées à la recherche par les Etats-Unis, ou plus surprenant par les fonds d’aide au développement de ce même pays (USAID)[9] ou encore les programmes de la Banque Mondiale.
C’est ainsi que ce marché en devenir est très vite devenu particulièrement dynamique. En 2004 81 millions d’hectares avec des OGMs ont été plantées dans le monde, la plus grande partie se trouvant aux Etats-Unis (47,6 millions Ha), en Argentine (16,2 millions Ha) au Canada (5 millions Ha) et en Chine (3 millions d’Ha). Le marché des OGMs croit rapidement avec une moyenne de 20% par an.
→ Les brevets, véritable enjeu des OGMs
A la différence des semences traditionnelles qui sont achetées par les producteurs une fois, puis leurs appartiennent, le modèle économique des multinationales de la biotechnologie, repose en grande partie sur la propriété intellectuelle.
L’industrie des OGMs repose sur deux piliers principaux :
1. L’utilisation de semences brevetés, en moyenne 25% plus chères que les semences traditionnelles,
2. L’utilisation des produits chimiques associés
Car n’oublions pas que le cœur de métier de ces entreprises est d’abord la chimie. En fait les OGMs sont une formidable machine à faire de l’argent ! Jugez plutôt…
Les semences brevetés
Chaque variété d’OGM est par définition nouvelle car il s’agit d’une variété unique développée par l’entreprise propriétaire. La firme propriétaire possède donc un droit de propriété intellectuelle dessus. Conséquence, lorsqu’un producteur achète ces semences à la firme propriétaire il doit payer la semence la première fois mais également chaque année car il paie aussi la technologie breveté : il n’a pas le droit de réutiliser les semences issues de la récolte de l’année précédente. Cette technologie est donc particulièrement lucrative pour la société propriétaire.
Mais il y a mieux encore (j’entends plus lucratif). Certains agriculteurs trouvant la mesure un peu cavalière pourraient être tentés de réutiliser ces semences. La parade était donc de créer des OGMs stériles afin de contrecarrer toute velléité de ce genre. Cette technologie à l’acronyme anglais quelque peu barbare GURT (Genetic Use Restriction Technology), Technologie de Restriction Génétique en français ou encore ‘Terminator’ est largement dénoncée par un certain nombre de mouvements écologiques ou politiques[10]. Cette technologie a la particularité d’être uniquement utilisée dans les pays du Sud car systématiquement rejetée par les pays du Nord[11].
Toujours plus fort dans les OGMs de type GURT la société Monsanto envisage dans son dernier rapport[12] la possibilité d’OGMs qui pour se développer utiliseraient une hormone de croissance spécifiquement étudiée pour ce produit. Et devinez qui en serait le fournisseur… ? Monsanto !
Les produits chimiques ou intrants
Car ceci nous amène à l’autre volet économique des OGMs : Les intrants, ou engrais, pesticides (herbicides et insecticides) nécessaires à la culture des variétés de plantes et des OGMs.
Chaque variété étant unique, il convenait également de fabriquer les produits chimiques les plus adaptés à ces nouveaux organismes. Le métier historique de ces sociétés étant la chimie, il leur est dès lors aisé de proposer leurs intrants à leurs clients. L’hormone de croissance citée ci-dessus est la dernière trouvaille chimique d’une industrie décidément très inventive. >>Suite: 2) Les promesses justifiées ou non justifiées ?
David Carayol*
Paris (France)
* David Carayol est membre de Newropeans - Newropeans à Paris
[3] Voir l’Eurobaromètre de la Commission européenne (p24) sur la perception des risques publié en février 2006