Bové peut détourner des voix du PS
"Il peut détourner des voix du PS"
par Alain AUFFRAY et Gilbert LAVAL et Thomas HOFNUNG et Paul QUINIO
Maire, économiste, militant, ils se prononcent sur une candidature Bové.
José Bové candidat à l'élection présidentielle ? Libération a demandé à un maire rural, un sondeur, un économiste, un militant écolo, une communicante et un journaliste étranger ce qu'ils pensent de l'irruption, à gauche, d'un concurrent qui n'est pas issu d'un parti.
Jean-Claude Gineste, agriculteur, maire de Viala du Tarn (550 habitants)
«Je le connais, José Bové. Ça me gêne même un peu qu'il s'engage ainsi en politique. Je vais le taquiner quand je le reverrai. Une candidature à la présidentielle amène toujours à un contact frontal avec les partis. Jusqu'à présent, José Bové était plutôt au-dessus, loin des idées toutes faites. Et c'est en cela qu'il est indispensable. Il est l'altermondialiste qui aura le mieux fait avancer les questions de société concernant l'ensemble de la planète. Il a du coup un espace que personne d'autre ne peut occuper : le pouvoir de faire bouger les choses et les consciences au niveau mondial. Je crains, moi, que son image internationale ne sorte ternie de pareil engagement politique. Est-ce que je parrainerai son éventuelle candidature ? Ma décision n'est pas prise.»
François Miquet-Marty, chargé des études politiques à l'institut LH2
«José Bové bénéficie d'une image positive liée à sa dimension contestatrice. Les sympathisants de gauche, au-delà de la gauche radicale, sont en attente d'utopie. José Bové, qui tire sa légitimité de la société civile, répond à ce désir d'utopie. Il peut séduire l'électorat du non à la Constitution. Mais ce clivage sera-t-il déterminant en 2007 ? Je n'en suis pas sûr. Il peut détourner les voix du candidat socialiste, c'est évident. Mais il prend aussi le risque d'une forme de désenchantement une fois officiellement candidat. Car comment va-t-il conserver sa marque de fabrique, qui consiste à parler de l'extérieur du système, à partir du moment où il sera candidat, et donc dans le système ?»
Liêm Hoang-Ngoc, économiste, socialiste favorable au non
«Si José Bové était candidat, ce serait une erreur politique. Il peut être dans une posture pour exister, mais cette attitude me semble suicidaire. J'ai voté non comme lui le 29 mai 2005. Mais les partisans du non au PS ont obtenu que la remise en cause du projet de Constitution européenne tel qu'il a été proposé aux Français figure dans notre projet pour 2007. Comme d'ailleurs la prise en compte de la demande sociale que José Bové prétend relayer. Sur l'indépendance de la Banque centrale européenne, la remise en cause du pacte de stabilité, le tarif extérieur commun, l'amélioration du pouvoir d'achat, tout cela figure dans notre texte.»
Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace France
«Je ne doute pas de sa capacité à réunir derrière son nom une bonne partie de la base écologiste. Pour nous, c'est un compagnon de route. Il est clairement plus écologiste que communiste. Cela dit, sa candidature pose une question compliquée au militant de Greenpeace que je suis. Veut-on rester un contre-pouvoir ? Ou voulons-nous venir troubler le jeu politique ? Dans ce cas, il faut assumer le jeu du pouvoir. Pour José, ça ne va pas être facile, lui qui a longtemps prétendu que le pouvoir était en dehors du pouvoir. Mais le jeu politique aujourd'hui est tellement insatisfaisant qu'on est tenté de le percuter pour que les lignes bougent. La grande qualité de José, c'est qu'il a su faire le lien entre le mouvement écologiste, les syndicats et les mouvements des «sans» (droit au logement, AC !, sans-papiers). Il a l'habileté politique pour franchir les frontières.»
Evelyn Soum, directrice de l'agence de communication Ailleurs exactement
«José Bové, d'abord, est la seule figure du monde agricole connue des Français. Mais, surtout, il rayonne bien au-delà de son rôle d'ex-porte-parole de la Confédération paysanne, par son comportement : il est dans l'action, et pas dans le décret, son langage est direct et pas contraint. Par son souci de la proximité, son ancrage dans le réel, il comble ce qui est à mon avis une grande lacune de la vie politique française. Son problème ne sera pas lié à sa légitimité à s'exprimer, ce sera l'absence de structure partisane porteuse. Mais il aura une surface d'adhésion populaire.»
Alberto Toscano, correspondant à Paris de l'hebdomadaire italien Panorama
«José Bové est très connu et très populaire en Italie. Il exprime des préoccupations qui intéressent tous les Européens. Il a su incarner une alternative crédible à un modèle de société qui ne produit que des clones, tant sur le plan industriel que sur le plan humain. Bové a réussi à allier la défense des traditions, notamment dans le domaine agricole, avec une réelle modernité. Sa faiblesse, c'est d'être lié au mouvement altermondialiste qui est en nette perte de vitesse. Sa candidature ne peut pas faire de mal au débat politique en France, que je trouve d'un très faible niveau.»
Sources : Libération
Posté par Adriana Evangelizt