Le départ de la Confédération paysanne

Publié le par Adriana EVANGELIZT

José Bové quitte la tête de la Confédération paysanne, fier d'avoir sorti l'agriculture d'« un domaine réservé »


Le héraut de la lutte contre la malbouffe, qui a cédé, jeudi 8 avril, son poste de porte-parole à Jean-Emile Sanchez, a su élargir l'audience d'un syndicat devenu acteur des mouvements sociaux

José Bové n'est plus le porte-parole de la Confédération paysanne en ce jeudi 8 avril. Dans les couloirs du Parlement européen, où se tient le congrès du syndicat paysan, il dédicace son dernier livre, pose, radieux, avec l'équipe de la cantine, signe des autographes pour les enfants du personnel de sécurité. « Les combats s'incarnent dans des hommes », sourit-il. Le combat de la Confédération paysanne contre la malbouffe, contre les OGM, contre la libéralisation des échanges mondiaux s'est incarné en lui, depuis le démontage en 1999 du McDonald's de Millau.

José Bové a-t-il peur du vide ? « Pas du tout, répond-il. Je vais essayer de profiter d'un moment de paix. » Ses projets : écrire un livre sur la désobéissance civile, précepte qui l'a conduit par trois fois en prison depuis 1999, pour des arrachages d'OGM. Puis prendre le large cet été, à bord de son voilier. Enfin, recommencer à militer, cette fois au sein de Via Campesina, mouvement international paysan auquel appartient la Confédération.

« Je n'ai jamais voulu être l'arbre qui cache la forêt », répète-t-il à la tribune, dans l'hémicycle du Parlement. Consensuel, il refuse les applaudissements des congressistes pour lui seul. Après un hommage ému à l'un de ses prédécesseurs, François Dufour, il demande à tous les porte-parole de le rejoindre. « On s'est parfois bien engueulé, lance José Bové. Notre histoire est tumultueuse, mais nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait. » L'atmosphère feutrée du Parlement européen, à laquelle les militants de la Confédération ne sont pas habitués, contribue à solenniser l'instant.

Le lieu du congrès symbolise tout le chemin parcouru par le syndicat, né en 1987, encore marginal dans les années 1990. José Bové est fier d'avoir « fait sortir l'agriculture et l'alimentation d'un domaine réservé ». D'avoir transformé la Confédération en « acteur des mouvements sociaux ». D'avoir alerté l'opinion sur l'arrivée dans les champs et les assiettes d'organismes génétiquement modifiés. Il est de loin le meilleur représentant des agriculteurs, aux yeux des Français.

Pour l'organisation, le départ du leader constitue à la fois un risque - retomber dans l'anonymat - et une chance - consolider son ancrage dans le monde agricole. Son audience a été considérablement augmentée par l'effet Bové... qui a aussi détourné une partie des paysans, agacés par l'homme toujours entouré de caméras. Au moment où il part, la FNSEA, majoritaire, voit les mises en examen pour abus de biens sociaux se multiplier en son sein. Elle doit aussi assumer son rôle de gestionnaire de l'impopulaire réforme de la politique agricole commune adoptée en juin 2003.

Au congrès de Strasbourg, le syndicat a fixé ses axes de mobilisation pour les prochains mois. Dans la perspective des élections européennes, la Confédération conteste la partie du projet de Constitution européenne consacrée à l'agriculture. Le texte prévoit notamment « d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production ». Pour le syndicat, la PAC doit « assurer une alimentation saine et suffisante à l'ensemble de la population de l'Union européenne, en respectant les particularités locales ».

La Confédération veut également tirer parti du résultat de la gauche aux élections régionales. Ses représentants régionaux rencontreront les nouveaux présidents et conseillers régionaux, afin de leur présenter leur projet alternatif de réforme de la PAC. Ils demanderont aux régions de se prononcer « hors accords PAC de Luxembourg, véritable plan social de l'agriculture », et « territoire hors OGM », comme l'a déjà annoncé Ségolène Royal en Poitou-Charentes. Une journée d'action nationale contre les OGM est d'ailleurs prévue, le 8 mai. Il s'agit de mobiliser tous les « faucheurs volontaires » déclarés lors du rassemblement Larzac 2003. « Nous irons faucher les champs, a lancé José Bové sous les vivats. Ce n'est pas parce que j'ai déjà été en prison que je n'y retournerai pas ! »


Gaëlle Dupont, ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 10.04.04

Sources : Denis Touret

Posté par Adriana Evangelizt

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