La gauche et le Peuple

Publié le par Adriana EVANGELIZT

LA GAUCHE ET LE PEUPLE



par Raoul Marc JENNAR,

chercheur altermondialiste

 

 



"La gauche a un problème avec le peuple", écrivait Claude Demelenne dans le Journal du Mardi de la semaine passée. Et d'expliquer que l'insécurité sociale et physique en est la principale raison. Et de nous présenter Ségolène Royale comme la solution qui va résoudre les problèmes de l'insécurité physique. Quant à l'insécurité sociale, la "pragmatique" Mme Royal serait "susceptible d'évoluer"...

Ceux qui ont lu les 98 chroniques qui précèdent celle-ci savent qu'on ne peut m'accuser de complaisance à l'égard de la social-démocratie et qu'en aucune façon je ne me résigne à l'abandon d'un constat : la lutte des classes, même si la lutte et les classes se sont modifiées, demeure aussi âpre, aussi cruelle que par le passé. Et je ne me résoudrai jamais à signer à la fin de ma vie un livre égrenant la longue liste des déceptions successives provoquées par un PS que j'aurais suivi jusqu'à l'aveuglement. Je ne me résigne pas à confier l'espérance aux professionnels de l'accommodement. On trouvera donc tout à fait cohérent que non seulement j'acte bien volontiers que la gauche a un problème avec le peuple, mais que j'ajoute qu'elle en est la première responsable. Et qu'inverser l'ordre des explications me semble relever d'une dérive dangereuse vers un primat donné aux questions sécuritaires.

A qui donc sert le discours sécuritaire ? A ceux qui savent que les dérégulations, les flexibilités, le démantèlement systématique des avancées sociales conquises au prix de souffrances innombrables engendrent une société à ce point disloquée et précarisée qu'elle exige un renforcement de l'appareil sécuritaire. Ce n'est pas par hasard que le thème de l'ordre se retrouve avec la même force chez Sarkozy comme chez Royal. Mme Royal parle avec audace de sécurité physique et avec parcimonie de l'insécurité sociale parce qu'elle n'entend pas remettre en cause les raisons de cette insécurité sociale. Et invoquer, comme le fait notre rédacteur en chef pour illustrer sa capacité à traiter du social, la pugnacité de la compagne de François Hollande dans le combat contre le CPE , c'est oublier un peu vite que tout le PS, y compris Rocard et Strauss Khan, a rejoint, après quelques hésitations, la gauche antilibérale dans ce combat derrière les lycéens, les étudiants et leurs parents.

Si la gauche a un problème avec le peuple, c'est parce que chaque fois qu'elle a créé l'espérance par un discours où elle faisait croire qu'elle était proche des préoccupations du peuple, elle a déçu : en 1956, en 1981, en 1988, en 1997. Autant d'espérances, autant de déceptions.

On peut rédiger, dans les salles de rédaction, à Bruxelles comme à Paris, de beaux papiers et se mettre au diapason de la droite sécuritaire qui pense plus à réprimer les effets qu'à supprimer les causes. Mais quand on va, comme je le fais chaque semaine dans cette France où je vis, là où le néolibéralisme détruit les emplois et crée de la misère, là où, dans le désespoir, des femmes et des hommes occupent leur entreprise que les règles de l'OMC et de l'Union européenne permettent de délocaliser lorsque les dividendes n'atteignent pas des pourcentages à deux chiffres, dans le Nord, à Dunkerque, Lille, Tourcoing, ou Valenciennes ou dans le Sud autour de Marseille, de Sète, de Toulon, et même d'Albi, d'Agen ou de Toulouse, c'est d'une autre violence qu'il s'agit. La violence d'un capitalisme que Mme Royal ne remet jamais en question.
Dans ces endroits qui se multiplient et où on se croirait revenu au début du XXe siècle, c'est autre chose que Mme Royal qu'on attend : l'unité de la gauche qui refuse le néolibéralisme.

Certes, l'insécurité physique est un problème réel que la bourgeoisie socialiste a dédaigné et a offert à la droite. Mais encore une fois, pourquoi ? Parce que supprimer l'insécurité physique de manière durable, la réduire aux questions séculaires du banditisme, oblige à s'attaquer aux causes de l'insécurité sociale. Et que cela, la social-démocratie y a renoncé. Pire : elle a contribué à la créer.

Cette social-démocratie française a négocié, avec le patronat et la droite, les règles de la mondialisation néolibérale qu'applique aujourd'hui un des siens à la tête de l'OMC ; elle a, sous l'impulsion d'un autre des siens, négocié avec le patronat et la droite, les traités - Acte unique, Traité de Maastricht - qui ont transformé le beau projet de construction d'une Europe unie en machine à mettre en concurrence les Européennes et les Européens, les habitants d'Europe et ceux du reste du monde. Et elle nous présente les résultats de ses propres choix comme des fatalités qu'il nous reste à subir. Tout en proposant comme un progrès quelques mesurettes destinées à en atténuer les effets les plus douloureux.

Le problème de la gauche avec le peuple, c'est que le peuple est resté à gauche et que la gauche social-démocrate n'est plus à gauche. La France ne mérite-telle pas mieux que ce choix qui n'en est pas un entre l'ordre hard de Sarkozy et l'ordre soft de Royal qui tous deux, soyons en certains, provoqueront un immense désordre tant la souffrance sociale devient insupportable ?

Sources URFIG

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans Raoul Marc Jennar

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T
le probleme avec les révisionnistes staliniens tels que MR Jennar, c'est qu'ils ont un tel talents pour les sophismes, qu'ils trompent le peuples. <br /> sur cet article, il nous décline , le "plus de révolution" de polpot . alors que oui, il y a un probleme d'insecurité et d'incivislme. mais tout dans ces "reves", il ne le sais pas , ça le gene, il le nie. facile.<br /> Trés sensible par la candidature  de josé qui "rassemble tout ce qui est épars" Il serait dommage  que des charlatans comme jennar  viennent  poluer et discréditer le discours chagé d'espoir, de syntheses nouvelles,  de symboles forts et d'espoir vrai, ... dont les "invisibles" ont besoins. ..<br /> a tous, fraternité.<br /> Th C<br />  
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