Rencontre José Bové - Pascal Lamy

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Pascal Lamy et José Bové confrontent leurs gauches à la mondialisation

Par Nicolas Barotte - Le Figaro

 

DÉBAT Le directeur général de l'OMC et le paysan altermondialiste ont débattu jeudi des règles du commerce mondial.

SOCIAL-LIBÉRAL et de gauche, Pascal Lamy est un cas rare en France. Dans l'amphithéâtre de l'École nationale supérieure des télécommunications de Paris qui l'accueille, le directeur général de l'OMC n'a pas beaucoup de supporters. Les militants altermondialistes, associatifs, sympathisants de la gauche sont majoritaires dans l'auditoire. Face à lui pour débattre de la mondialisation – sous-entendu de ses méfaits –, il y a José Bové, l'une des figures de proue de l'antilibéralisme. Les deux hommes se connaissent et aiment débattre ensemble même si leurs gauches respectives sont irréconciliables. La rencontre a été organisée jeudi soir par le petit courant du PS Utopia (1% au dernier congrès).
La gauche et l'OMC sont-elles compatibles ? Pour la majorité de la salle, la réponse est évidente : c'est non. Avec une pointe d'ironie iconoclaste, Lamy va défendre une thèse différente. En France, «la gauche et l'OMC ne font pas bon ménage», reconnaît-il en introduction, mais c'est «assez particulier à notre pays». «L'OMC est vue par beaucoup comme habitée par une «idéologie libre-échangiste» (...) qui imposerait sa logique contre une autre». Contre celle du social, de l'environnemental... Un point de vue que ne partage pas Pascal Lamy comme, souligne-t-il, les forces de gauche dans de nombreux pays.
Avec une méthodologie professorale, il défend sa maison. «Je ne vais pas plaider que l'OMC est de gauche, explique-t-il, mais que l'OMC est pour la gauche un instrument potentiel de régulation. Aucun des principes [de l'organisation] n'est étranger à une pensée de gauche, même au plan français j'oserai dire», affirme-t-il. Il décline : bénéfices de la croissance grâce aux échanges commerciaux, logique d'organisation contre rapports bilatéraux entre États inégaux, respect des espaces politiques nationaux. «Les faits collent-ils aux principes ?», demande-t-il. Pas forcément, mais les choses s'améliorent, répond-il en substance.
L'OMC a une vertu, répond José Bové, provocateur à son tour : «Cette institution a pu être mise en échec, c'est encourageant.» Il parle notamment des sommets de l'OMC à Seattle ou à Cancun, deux coups pour rien. Pour dénoncer la «perversion» du système, l'ancien porte-parole de la Confédération paysanne argumente en accumulant les exemples. Il dénonce notamment les «OGM» ou le «boeuf aux hormones» qui auraient été imposés aux volontés nationales. Il met aussi en cause la place des entreprises «transnationales» dans les négociations : «Ce sont des intérêts privés qui sont défendus par l'institution.» Homme de lutte, il voit un signe dans le rejet du projet de Constitution européenne l'année dernière. «Dans ce qui s'est passé le 29 mai, il y avait le refus d'un certain ordre économique libéral qui voulait être imposé.»
Entre la gauche de Lamy et celle de Bové, le PS subit, en filigrane, les critiques des deux bords. Interrogé sur la proposition socialiste, reprise dans le texte final du congrès du Mans, de créer une taxe sur les transactions financières, Lamy pointe en plaisantant les concessions faites à l'aile radicale du parti : «Ça sent la synthèse à plein nez.» Pour lui, il y a «d'autres moyens plus intelligents» pour favoriser l'aide au développement, par exemple les «écotaxes». Le PS propose aussi une réforme de l'OMC, qui serait placée sous la tutelle des Nations unies. Aujourd'hui, l'organisation est juridiquement indépendante, «peut-être dois-je en remercier le ciel ?», sourit Lamy qui connaît les difficultés de fonctionnement de l'ONU. José Bové n'est pas plus clément. En réponse à une question sur son non-engagement dans un parti, il lance : «Il y avait un parti qui avait dit «On va changer la vie», j'attends toujours.»

Publié dans OMC

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