Comment les USA traitent les pays pauvres

Publié le par Adriana EVANGELIZT

CONFERENCE DE L'OMC • L'Europe accuse les Etats-Unis de «distorsions commerciales».

Les pays pauvres, eldorado des surplus agricoles américains

par Christian LOSSON


La géopolitique du commerce mondial a ses grands champs de bataille, à l'image de l'agriculture. Mais aussi ses petites guéguerres. Prenez l'aide alimentaire aux pays pauvres. Depuis mardi, Union européenne et Etats-Unis se bastonnent sur le sujet à coups de communiqués ; la première accusant les seconds de «distorsions commerciales» via l'achat à ses producteurs des excédents exportés à des fins «humanitaires». Mardi, en découvrant le Financial Times, Peter Mandelson, commissaire européen au Commerce, a frôlé la crise de nerf... Il a trouvé «shocking» une pub du PAM (Programme alimentaire mondial, présidé et financé majoritairement par les Etats-Unis) où, sous une photo de quatre enfants en sous-nutrition, il était écrit : «Pourquoi l'OMC veut-elle leur enlever la nourriture de la bouche ?»

Cash. Taxée d'immobilisme agricole, l'UE s'est donc fait un plaisir de «bouger» les Etats-Unis. Et de rappeler, selon elle, que l'aide en nature des Etats-Unis aux pays pauvres (constituée de 20 % de blé et de riz, et de 50 % de lait en poudre) ne doit pas servir «d'alibi» pour aider ses agriculteurs. L'Europe pense avoir le dessus sur ce sujet : elle ne verse, depuis 1996, que du cash, qui sert à acheter des produits locaux, préservant ainsi «la souveraineté alimentaire» des pays receveurs. «Les statistiques sont édifiantes : quand le secteur américain de l'agrobusiness du blé ou riz accumule des excédents, il court voir le ministère du Commerce, qui demande au ministère de l'Aide d'écouler les surplus», raconte un diplomate européen. Et la manne arrive souvent à contre-temps. «C'est quand les prix mondiaux sont élevés, et les crises alimentaires aiguës, que l'aide américaine n'arrive pas, s'agace Fabian Delcros, porte-parole de l'UE. Pourquoi ? Parce que les stocks s'écoulent sans problème sur le marché mondial. Mais quand le prix du riz, du blé ou du maïs plonge, d'un seul coup, l'aide américaine arrive...»

«Corruption locale». Interpellé, Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a reconnu le problème «en toute impartialité». Et rappelé qu'en juillet 2004 le G2 (Etats-Unis-Europe) s'était engagé à résoudre la question «des subventions à l'exportation à l'agriculture»... dont l'aide alimentaire. «Mais l'OMC n'est pas l'endroit pour parler de questions de vie ou de mort. Et puis, notre aide alimentaire ne pèse que 2 % en valeur dans les exportations agricoles américaines», assène Washington. «En 2003, vous avez déversé l'équivalent de 2,6 milliards de dollars sur le marché», rétorque Bruxelles. «L'aide en cash entraîne la corruption locale», s'énerve Washington. «Faux. Moins que votre aide en nature dont 60 % des montants filent dans les poches de l'agrobusiness et des firmes de transport maritime», répond Bruxelles. «L'aide alimentaire ne pèse que 1 % dans le commerce agricole mondial», relance Washington. «Mais elle frappe les pays les plus vulnérables, et nuit à la survie des petits paysans», balance Bruxelles.

Prix cassé. L'Europe aurait pu, au passage, rappeler que les Etats-Unis écoulent une aide à base d'OGM. Pour avoir mis en quarantaine 40 000 tonnes de maïs en 2002, la Zambie s'était fait taper sur les doigts par le PAM et les Etats-Unis (1). Une aide que Washington distribue souvent avec l'aval... des ONG. En Ethiopie, raconte un de ses diplomates, l'ONG Care reçoit gratuitement de l'huile végétale made in USA. Mais elle doit prendre en charge le transport. Elle vend donc son huile sur les marchés à prix cassé. Résultat, estime le délégué : «Des milliers de paysans se sont retrouvés sur la paille.» Lors d'une réunion d'ONG hier matin, le réseau Food Trade and Nutrition Coalition (2) s'est rangé derrière la position européenne, tout en rappelant dans «Dumping Food Aid», un rapport très argumenté, que «l'aide alimentaire est un diable nécessaire, mais qui ne doit exister que sur une courte période». Et rester une aide d'urgence.

(1) L'Inde avait refusé en 2003 un tel «package» après le passage d'un cyclone.

(2) www.ftncoalition.org

Sources : LIBERATION

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans USA en cause

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