Dialogue avec Monsieur Bové

Publié le par Adriana EVANGELIZT

Dialogue avec Monsieur Bové

David Abbassi : Bonjour monsieur Bové, comment allez-vous ?

 

José Bové : Bonjour, je vais très bien et je m’apprête à partir au Venezuela, à Caracas pour rencontrer les organisations paysannes, parce que là bas, ils mènent aussi une lutte très dure pour le droit à la terre contre les grands propriétaires.

 

DA : Vraiment bravo, José Bové pour tout. Nous parlions hier avec le président de notre radio « Ici et maintenant », il disait au début des élections présidentielles : «  José Bové devrait se présenter » Pourquoi ne l’as-tu pas fait ?

 

JB : Parce que je suis responsable dans une organisation syndicale et qu’il ne faut pas tout mélanger. Je pense aussi en entendant le débat politique telle qu’il est, que ce n’est effectivement pas la meilleure façon de faire avancer les choses. Il est plus et très important que  tout les mouvements se mettent à travailler ensemble et à faire un peu plus avancer les choses : la justice, la solidarité. C’est le sens de mon engagement, actuellement. Peut être qu’un jour je changerais d’avis mais pour l’instant, c’est comme ça que je compte continuer.

DA : José, ton voyage en Israël et en Palestine était très courageux. Dans le monde entier on a - et l’on continue - de parler de toi. Sur le satellite plusieurs chaînes télévisées arabes ou anglaises ou autres, on parle de José Bové et de son courage. Quelle expérience, quel message gardes-tu de ton voyage ?

JB : C’était la deuxième fois que j’allais en Palestine. J’y étais déjà allé en juin 2001 pour inaugurer les missions civiles de protection du peuple palestinien. On avait organisé ces missions parce que les états, les institutions politiques internationales ne faisant pas leur travail, il nous paraissait incroyable que ce qui se passait en Palestine puisse se faire sans que les citoyens puissent réagir. Nous avions donc décidé en juin 2001, d’organiser ces missions avec des gens de la société civile : des gens venant d’associations, des banlieues, des syndicats, des mouvements y compris de magistrats, d’avocats… On avait décidé  que c’était à la société civile de s’engager et cela a très bien marché puisque 15 missions sont parties. J’avais décidé, personnellement, d’y retourner pour une deuxième mission au mois de mars, puisque le 30 mars,  c’est la Journée de la Paix en Palestine qui commémore le massacre de paysans palestiniens par l’armée israélienne en 1976. Nous avions décidé de faire une grande fête dans le Néguev avec des organisations paysannes Palestiniennes et des paysans qui venaient du monde entier pour montrer notre solidarité et permettre aux paysans palestiniens de rentrer dans le mouvement international. Le 28 mars, quand nous sommes arrivés à Jérusalem, c’était à quelques heures de l’invasion de l’armée israélienne, et les gens avec qui nous étions en contact – des gens d’origine palestinienne mais aussi de mouvement de résistance contre la colonisation israélienne – nous ont dit que se serait très important si nous pouvions nous rendre à Ramallah, essayer d’être présent dans la ville, pour dire ce que faisait l’armée israélienne, et c’est ce que nous avons fait en forçant un check point. Nous avons fait une grande fête avec les habitants et les représentants d’ONG, tous les mouvements de la société civile Palestinienne. C’est ainsi, qu’ensemble, nous avons vécu l’invasion de l’armée israélienne et la destruction de la ville, l’encerclement et la destruction du quartier général de l’autorité palestinienne. Nous avons réussi, petit à petit, à intervenir dans la ville, en protégeant d’abord l’hôpital où à deux reprises, l’armée israélienne a essayé de rentrer, après l’avoir encerclé avec des chars. Ensuite, c’est ce qui a été reconnu comme la « Marche », nous sommes rentrés dans le quartier général malgré l’armée et nous avons protégé l’autorité palestinienne et fait en sorte que Yasser Arafat sorte vivant de ce mois de siège.

DA : Est-ce que tu as vu des cadavres ? Est-ce que tu es rentré dans le cimetière palestinien ? Qu’est-ce que tu as vu ?

JB : Je n’ai pas vu de cadavre dans la rue parce qu’au moment des grands tirs, il nous était difficile de sortir. Toute la journée du 29, premier jour de l’invasion, on ne pouvait pas sortir de l’endroit où on était enfermé, par contre le 30 quand nous sommes allés à l’hôpital, nous avons aidé des ambulanciers à ramener des cadavres, des blessés. Malheureusement l’armée empêchait les ambulances de s’approcher, donc toutes les personnes qui ont été ramenées le 30 à l’hôpital de Ramallah étaient déjà décédées. On a, en effet vu un certain nombre de personnes mortes avec des trous dans le ventre, dans l’abdomen, des tirs de balles à bout portant. Dans l’hôpital de Ramallah, il y avait de nombreux cadavres qui ne pouvaient pas être enterrés ce qui fait que deux jours après, on a décidé de les enterrer, nous et les personnels, médecins de l’hôpital, dans les jardins même. J’ai pu discuter avec des jeunes qui ont été blessés, des adolescents de 12, 13, 14 ans qui avaient reçu des balles. C’est donc toute la population qui c’est fait tirer dessus. C’était une guerre contre une population totalement désarmée. Ramallah était une ville en état de siège où l’armée a systématiquement détruit les routes, les systèmes électriques, les canalisations d’eau pour que les gens n’aient plus d’eau potable et soit obligée de descendre quand le couvre feu était levé. Une ville dévastée que j’avais vu 24h avant parfaitement vivante, avec des gens heureux de vivre, et c’est un véritable spectacle de désolation auquel j’ai assisté.

DA : Je ne sais pas si tu es au courant, nous avons appris qu’une imprimerie en Jordanie avait imprimé plus de 10000 photos de toi et que dans les maisons palestiniennes ta photo était à côté de celle de Yasser Arafat. Tu es donc un héros en France, dans le monde entier pour tes actes courageux. Actuellement qu’en Palestine soit accrochée à côté de celle du président palestinien ta photo, qu’est ce que tu en pense ?

JB : Ce que je pense c’est que l’on peut faire quelque chose et que le message que je voudrais lancer, c’est que chaque individu, chaque homme, chaque femme peut être capable à mains nues, d’être acteur, de faire en sorte que la guerre s’arrête, que l’on arrête cette guerre de colonisation. Le message que je veux faire passer c’est que ces missions de protection du peuple palestinien, ont pour but de faire avancer le droit. Il s’agit de montrer que si les états aussi puissants qu’ils soient n’arrivent pas à faire reculer Sharon et son armée, et bien des citoyens peuvent le faire. J’espère que c’est ça que les gens retiennent. C’est de montrer que la solidarité ce n'est pas simplement des mots mais cela peut être aussi des actes simples que l’on peut poser en allant en Palestine dans le cadre de missions mais aussi ici au quotidien en organisant des rencontres, en faisant parler, en expliquant la situation en Palestine sur place. Il me paraît important que ce massacre s’arrête. Le peuple palestinien est en train de vivre, aujourd’hui, une situation absolument catastrophique. Toutes les infrastructures sont détruites, les écoles, les hôpitaux, ces villes… l’autorité palestinienne ne peut plus fonctionner et en même temps cette situation affreuse amène obligatoirement une situation catastrophique aussi pour le peuple israélien et aujourd’hui nous nous battons contre une armée, contre un état qui a pris une position complètement folle sur le plan international et bien évidemment il faut qu’à terme des peuples puissent vivre et aujourd’hui nous sommes sur cette terre et il faut que tout le monde puisse vivre sur cette terre, sans agresser l’autre, c’est pour cela qu’il faut à tout prix faire cesser cette agression coloniale.

DA : Justement, José Bové, la question d’aujourd’hui, c’est comment est-ce que l’on peut aider les Palestiniens, comment est-ce qu’ils peuvent déclarer la création de leur pays, qu’est-ce qui empêche cette création ?

 JB : Aujourd’hui, évidemment, il pourrait y avoir une déclaration officielle créant l’Etat palestinien mais c’est un Etat palestinien qui serait occupé aujourd’hui, qui n’a pas la garanti. Au niveau international, il existe des déclarations, des résolutions de l’ONU qui sont formidables, mais, simplement pour que l’Etat palestinien puisse vivre correctement, faut-il encore que la communauté internationale, décide de le protéger. Je crois que si on doit pouvoir aider à la création de cet Etat palestinien avec Jérusalem pour capital, il va falloir de manière urgente, qu’on puisse envoyer des forces de protection internationales, empêcher coûte que coûte que Sharon puisse continuer à organiser la destruction systématique de toute réalisation palestinienne, pour réaliser l’Etat palestinien, pourquoi pas, mais le problème c’est que c’est un Etat qui ne peut pas fonctionner parce que toute ses structures sont détruites. Il faut faire attention que cela ne se retourne pas contre les Palestiniens.

 DA : Exactement, ta proposition est assez importante, envoyer une force internationale.

 JB : Je pense qu’il faut que l’on fasse chacun, aujourd’hui, pression, dans nos pays, sur nos gouvernements, pour leur dire : pourquoi, vous n’envoyez pas de force de protection. Il faut que nous, on fasse pression sur Monsieur Chirac, il faut que dans chaque pays on fasse pression, que dans les pays arabes, les mouvements sociaux fassent pression sur les gouvernement du monde arabe qui aujourd’hui sont trop silencieux, ne soutiennent pas réellement la cause palestinienne. Il faut qu’il y ait une véritable mobilisation des citoyens pour que cette question devienne centrale de l’organisation des Nations-Unies.

 DA : Exactement, le silence en Europe par rapport à tout ce que font les Américains, les Etats Unis, notamment contre les intérêts économiques de l’Europe, qu’est-ce qu’on peut faire ?

 JB : Je pense, qu’il existe une véritable prise de conscience qui existe contre la logique économique, contre la logique de la globalisation économique mais en même temps contre la logique de guerre qui augmente dans de plus en plus de secteurs, pour le contrôle notamment du pétrole et des ressources lumière, je crois qu’il est important que là aussi, la mobilisation se fasse. Par exemple, Monsieur Bush vient en France à la fin du mois de mai, le 26 mai si ma mémoire est bonne, et bien là, il est important qu’il y ait plus de gens dans la rue pour dire, et c’est assez est très important que tout les gens soient dans la rue pour se mobiliser.

DA : Et bien, je te remercie et on te souhaite un bon voyage. Je t’embrasse et te dis à très bientôt José.

JB : Merci et au revoir

Sources : ARIA

Posté par Adriana Evangelizt

Publié dans José et la Palestine

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